Les mentors des hommes modernes
À la fin de l’année 1918, Theodore Roosevelt, 26ème président des États-Unis, préparait son retour politique en vue de la présidence, croyant qu’il pouvait gagner la nomination des Républicains pour les élections de 1920. Mais le 6 janvier 1919, il mourut soudainement et de façon inattendue dans son sommeil.
À ce moment-là, le président démocrate en exercice, Woodrow Wilson, était à Paris, attendant les réunions préliminaires de la conférence de paix qui allaient amener une fin négociée à la Première guerre mondiale.
Roosevelt et Wilson ne pouvaient pas être plus différents en termes de personnalité et de conviction politique : c’était l’infatigable réaliste macho contre l’idéaliste professoral calviniste. Leurs rapports furent inévitablement difficiles. Ils s’étaient affrontés en tant que candidats à la présidence en 1912 et Wilson l’avait remportée. Lors des élections de 1916, Roosevelt fut à nouveau déçu de voir que le soutien qu’il avait offert au candidat républicain n’avait pas suffi à battre Wilson.
Toutes choses égales par ailleurs, ils se seraient affrontés à nouveau lors des élections suivantes. Mais cela n’allait pas être le cas. En septembre 1919, dans le Colorado, Wilson eut une crise de dépression nerveuse. Il était en plein milieu d’une tournée visant à obtenir le soutien pour sa chère Société des Nations et le traité de Versailles, qui attendaient d’être ratifiés par les États-Unis. À son retour à Washington D.C., le président eut une attaque d’apoplexie dont il ne se remit pas suffisamment pour se présenter aux élections.
En ce qui concerne la politique étrangère, Roosevelt et Wilson partagèrent quelques idées. Cependant, ce fut Roosevelt qui fit la fameuse remarque que l’on devrait « parler avec précautions et garder un gros bâton dans la main. » Fidèle à ses convictions réalistes et dans l’intérêt national américain, Roosevelt réussit à négocier l’acquisition en 1903 de la zone du canal de Panama de la Colombie, permettant à l’Amérique de commencer un an plus tard la construction du canal. Ses talents en matière de diplomatie mirent un terme à la guerre de 1904-1905 entre les Russes et les Japonais et il reçut pour ses efforts le prix Nobel de la paix en 1906, étant le premier homme d’État à recevoir un tel prix.
En 1919, Wilson reçut aussi le prix Nobel de la paix pour ses efforts de mettre fin au récent conflit mondial. Mais ses objectifs en politique étrangère étaient plus basés sur des idées idéalistes — à savoir que les États-Unis ne devaient pas utiliser leur pouvoir contre d’autres pays plus faibles mais qu’ils devaient se soucier des droits des puissances plus petites. L’autodétermination est un principe « wilsonien ».
L’influence de ces deux hommes extraordinaires s’étend jusqu’à aujourd’hui. Les structures conceptuelles différentes qu’ils ont suivies au niveau de la politique extérieure soulèvent toujours le même débat au 21ème siècle.