Pour en finir avec la confusion au sujet de Dieu
Richard Dawkins a déclenché une tempête théologique. Son livre intitulé Pour en finir avec Dieu (2008) critique sévèrement toute croyance en un Dieu personnel et tout-puissant et défend l’athéisme comme une philosophie de choix : seule la science peut fournir des réponses solides aux questions de la vie. Pour Dawkins et ses collègues athées, la religion et la croyance en Dieu sont une illusion de la plus grande envergure. Auraient-ils raison ?
John Lennon, dans sa chanson mythique « Imagine », nous invitait à rêver d’un monde dépourvu de nationalisme, de guerre, de cupidité, de famine et de religion. D’après lui, si seulement ces aspects de la vie pouvaient être éliminés, nous aurions un monde dans lequel une vraie fraternité humaine pourrait vivre dans l’unité et en paix, « se partageant le monde entier » et vivant « l’instant présent ».
« Imaginez qu’il n’y ait aucun pays,
Ce n’est pas dur à faire,
Aucune cause pour laquelle tuer ou mourir,
Aucune religion non plus,
Imaginez tous les gens,
Vivant leurs vies dans la paix… »
C’est en effet une idée séduisante, une idée qui occupe les esprits fertiles des athées qui contestent l’existence de Dieu et la valeur de la religion. Mais tandis que les livres aux titres accrocheurs de célèbres athées remplissent les rayons, les partisans de la croyance en Dieu, et surtout parmi la communauté scientifique, ont été tout aussi vigoureux et prolifiques pour exposer ce qu’ils considèrent comme de faibles arguments d’athées (lire par exemple notre revue sur le livre d’Owen Gingerich God’s Universe). Même si le débat est souvent formulé comme étant « la science contre la religion », cette appellation est trompeuse. Ce n’est même pas les scientifiques contre les théologiens. C’est plutôt des scientifiques athées qui expriment leurs opinions antireligieuses ouvertement et à grands cris, et des scientifiques théistes qui s’expriment tout aussi fortement pour défendre leur foi.
À la pointe de l’expression publique contre la religion se trouve Richard Dawkins, célèbre apologiste darwinien et sans doute le plus militant et le plus éloquent des athées. Connu pour sa rhétorique et sa lucidité, Dawkins est professeur Charles Simonyi de la Public Understanding of Science de l’université d’Oxford. Il est brillant et érudit, et fait partie des tout meilleurs auteurs scientifiques actuels, surtout dans le domaine de la biologie évolutionniste. Mais ses critiques regrettent qu’il se soit cette fois écarté de son domaine d’expertise et que ses conclusions métaphysiques aillent au-delà des preuves scientifiques.
Il ne fait aucun doute que la neuvième œuvre majeure du professeur se démarque de son sujet habituel. Elle marque également un changement important au niveau du ton. Même s’il a toujours eu des opinions acerbes sur Dieu et la religion, il prend plaisir dans ce livre à rassembler chaque argument possible pour exprimer son indignation et son dégoût pour tout ce qui est religieux. C’est devenu son obsession, presque sa raison d’être.
Exploitant son profil très médiatique, Dawkins utilise ses livres, ses articles et son site Internet pour obtenir du soutien pour ce qui s’apparente à une révolution. Partageant l’imagination de John Lennon, il espère naïvement que les athées refoulés vont s’assumer ouvertement et obtenir ensemble du respect pour le credo athée. Il souhaite que les personnes religieuses voient ce qu’il considère comme la nature illogique et erronée de leurs croyances, qu’elles abandonnent ces dernières et qu’elles adoptent l’esprit « sain » et indépendant de l’athéisme. Comme il considère la religion comme un simple virus contagieux qui se propage comme une plaie et qui est transmis d’une génération à l’autre, il désire passionnément libérer les enfants de l’instruction religieuse que leur fournissent parents, enseignants et ecclésiastiques.
L’athéisme : le sauveur du monde ?
Certaines croyances religieuses ont incontestablement mené à la violence, à la persécution et à la guerre. Historiquement, les contradictions entre croyances ont poussé à la conclusion facile que certaines de ces croyances doivent être erronées et que les adeptes ont été dans une certaine mesure leurrés. Mais le potentiel de conflit religieux dans le monde actuel comporte une autre dimension : à présent la survie de notre planète et de sa civilisation est en jeu. Le mal nucléaire est fait puisque de plus en plus de nations sont équipées d’armes nucléaires, chimiques et biologiques. Dawkins met en garde que si les adeptes d’idéologies militantes ou nationalistes prennent le dessus, le monde pourrait bien être plongé dans des hostilités dont il ne se remettrait peut-être pas.
Le professeur est peut-être convaincu de la logique de son attaque contre la religion, mais chaque attaque provoque invariablement une réaction. Et plus l’attaque est virulente, plus la réaction est importante. Dawkins n’ébranlera très certainement pas les solides croyances religieuses, ou toute autre conviction. Au contraire, son cri de guerre pourrait faire que les fondamentalistes juifs, chrétiens et musulmans, par exemple, refusent de faire quelque compromis que ce soit, augmentant ainsi l’intolérance mutuelle.
Le thème de base dans la pensée de Dawkins est que si la religion et la croyance en Dieu pouvaient être bannies, le monde serait un endroit plus heureux et plus paisible. « Laissez l’athéisme au pouvoir et regardez la fleur de la civilisation s’épanouir comme jamais auparavant », semble être son mantra et son credo. Pourtant ce résultat n’est pas si sûr que ça. Les régimes athées qui ont défiguré le XXe siècle ont-ils créé le bonheur et la paix que les humains désirent ?
N’oublions pas que même sans Dieu et sans religion, nous aurions encore (selon Darwin et Dawkins) une nature humaine compétitive modelée par la sélection naturelle et la survie du plus apte. Dawkins reconnaît que les effets de cet héritage peuvent être très déplaisants, donc il bâtit une théorie qui l’arrange : les humains peuvent transcender leur héritage de violence. Mais par quelle modification de la théorie de Darwin peut-il avancer que les humains sont capables d’inverser les forces évolutionnistes qui les ont créés en premier lieu ? Ou que les humains peuvent devenir suffisamment altruistes, pacifiques, affectueux et coopératifs pour sauver la planète et empêcher la destruction de leur propre espèce ?
Les athées comme les religieux ont agi dans leur propre intérêt idéologique, déterminant pour eux-mêmes ce qui est bon et ce qui est mauvais. C’est le conflit qui découle de cette tendance innée qui est la cause de nos problèmes. S’attaquer à ce problème central et s’efforcer de le résoudre va bien au-delà du débat plutôt facile entre l’athéisme et la religion. À cause de la nature humaine, les visions du monde athéistes et religieuses ont produit à la fois le bien et le mal.
La vraie religion ?
Comme il est possible de montrer que de nombreuses religions sont inadéquates ou construites sur des mensonges, faut-il en conclure logiquement que toutes les religions doivent être abandonnées ? Dawkins a raison de reprendre le christianisme traditionnel pour « la nonchalance désinvolte avec laquelle [ils] créent des détails au fur et à mesure. C’est honteusement inventé ». En effet, de nombreuses croyances et pratiques chrétiennes n’apparaissent pas dans la Bible, et certaines sont même contraires à la Bible. Mais l’alternative de Dawkins, l’athéisme matérialiste, est loin de constituer une alternative viable. C’est une erreur de logique que de dire que si une option est probablement mauvaise, l’alternative proposée doit alors être bonne.
Dawkins n’arrive pas à voir que la bonne religion pourrait exister. Revenir aux croyances et valeurs d’origine présentées dans la Bible pourrait révéler une religion digne de ce nom. Comme la Bible la définit, la vraie religion s’exprime dans l’excellence de nos caractères, par la façon dont nous vivons devant Dieu, et dans la façon dont nous traitons les autres, et pas seulement dans ce que nous croyons.
Pourtant Dawkins rejette les idées traditionnelles d’un Dieu qui se permet de nous dire comment nous devrions vivre. Il est non seulement fier de son athéisme mais également de sa science, de son esprit logique et scientifique et des idées de son héros, Charles Darwin. Grâce aux formidables progrès de la science, et le potentiel qu’elle a à faire continuellement de nouvelles découvertes, il croit que nous avons là une explication de la vie et du cosmos plus solide et plus satisfaisante que ne pourra jamais proposer la religion. En effet, Dawkins considère que les idées de la religion sont une insulte à son intelligence : selon lui, elles volent en éclat face aux faits scientifiques prouvés.
Prenez l’exemple par excellence du premier chapitre de Genèse dans la Bible. Des millions de chrétiens et personnes diverses croient fermement que Dieu a créé les cieux et la terre il y a 6 000 ans. Mais quelque soit la nature du récit de Genèse 1, il n’a jamais eu pour but d’être un récit scientifique sur l’origine de la vie. Moïse, qui a rédigé les cinq premiers livres de la Bible quelque 2 500 ans après l’époque d’Adam, n’était pas scientifique. Pourtant, beaucoup de personnes comprennent ce premier chapitre comme étant de la science pure et dure. Ceci jette un discrédit sur leur religion et crée un conflit inutile avec la science. Les études de cosmologie, de géologie et de paléontologie démontrent que la terre est bien plus ancienne. Même la présence de formes de vie basée sur l’oxygène et le carbone nécessite un univers bien plus ancien que ce que de nombreux croyants peuvent accepter. Mais rien de tout ça n’est incompatible avec une lecture attentive de la Bible.
Les théories faillibles de Darwin
L’argumentation de Dawkins contre Dieu a pour point central sa propre foi en la théorie de Darwin. Si toute la vie évolue du simple au complexe, demande-t-il, comment un Concepteur de complexité infinie pourrait-il exister au commencement ? Pour être Créateur des complexités de la nature que nous voyons autour de nous, Dieu lui-même doit être encore plus complexe. Dawkins ne peut fournir de réponse scientifique pour expliquer qui a créé un tel Dieu. Pour lui, ce n’est ni scientifique ni logique.
Et si la théorie de Darwin était fausse sur certains points importants ? Que deviendrait alors Dawkins ? Toutes les théories scientifiques peuvent être remises en question, et même les plus convaincantes sont parfois invalidées par de nouvelles recherches et investigations. Prenez les idées de Darwin sur la sélection sexuelle : elles ont été développées pour finalement devenir une théorie biologique globale pour les rôles des sexes, et pourtant des biologistes très renommés croient qu’elles sont fausses (même si ce n’est que rarement reconnu).
Les concepts de Darwin, même s’ils peuvent s’avérer convaincants, sont des concepts d’un théoricien faillible qui, et les scientifiques eux-mêmes l’admettent, n’a pas tout parfaitement compris. Insinuer que ses idées éliminent de manière catégorique le besoin d’un créateur – Dieu – n’est ni rationnel ni logique. Même si c’est généralement supposé par la théorie, une telle conclusion n’a pas pour origine les preuves existantes.
Darwin avait peu de choses convaincantes à dire sur les origines de la vie, et Dawkins reconnaît que l’évènement extrêmement invraisemblable de l’aiguille dans la botte de foin à l’origine de la vie est « un cas complètement différent » de l’évolution de la vie. Néanmoins, il réussit à placer l’arrivée de la vie dans le schéma évolutionniste. Par exemple, il réitère un argument avancé en 1986 dans son livre L’horloger aveugle, émettant l’hypothèse que s’il existe entre un et trente milliards de planètes dans notre galaxie et cent milliards de galaxies dans notre univers, cela représenterait des milliards de milliards de planètes qui pourraient supporter la vie. Par conséquent, une chance sur un milliard que la vie ait été spontanément générée pourrait potentiellement conduire à un milliard de planètes capables de supporter la vie.
D’un autre côté, la vie aurait-elle pu provenir de la puissance créatrice d’un Dieu surnaturel ? Une telle éventualité ne peut être exclue. Après tout, la science doit encore démontrer que n’importe quelle forme de vie peut provenir de la non-vie. L’idée d’un Dieu responsable de l’étincelle de la vie n’est-elle pas plus logique et satisfaisante que « l’évènement extraordinairement improbable » de la vie arrivant par hasard ? Nier catégoriquement qu’un Dieu surnaturel a prévu et permis que les choses soient ainsi va bien au-delà du domaine de la science. À cet égard, la rhétorique de Dawkins doit être considérée comme une rhétorique extrême et personnelle qui est loin d’être partagée par tous les philosophes et scientifiques.
Chose étrange, même si sa conviction profonde est qu’il n’existe pas de Dieu, Dawkins se sent lui aussi obligé de laisser un peu la porte ouverte. C’est peut-être la raison pour laquelle l’un de ses chapitres présente le titre légèrement moins dogmatique de « Pourquoi il est quasiment certain que Dieu n’existe pas » (c’est nous qui mettons l’accent).
De plus, si Dieu est le créateur suprême de tout ce qui existe (y compris Darwin et Dawkins !), pourquoi son existence devrait-elle être soumise à leurs théories ? Certains scientifiques ont constaté que notre univers avait l’air d’être parfaitement réglé pour la naissance et la continuation de la vie telle que nous la connaissons et qu’il fonctionnait selon une loi naturelle complexe et une certitude mathématique (ce que l’on appelle le principe anthropique). Pourquoi l’univers existe-t-il après tout ? A-t-il un but ? Pourquoi vivons-nous dans le temps et l’espace, des dimensions gouvernées par une loi que l’on peut découvrir ?
Pourquoi serait-il illogique ou faux de croire que Dieu est à l’origine de tout ça ? Ce n’est pas parce que la science ne peut sonder et mesurer Dieu que ce dernier n’existe pas. Après tout, la science se limite au physique et à l’observable et ne peut donc faire des observations au-delà. Si Dieu existe en dehors du domaine physique, la science ne peut donc ni prouver ni réfuter l’existence de Dieu.
Dawkins et la foi
Pour Dawkins, la pensée religieuse tout entière manque de validité. Selon lui, toute expression de foi est dangereuse, représente un mal pernicieux, un lavage de cerveau stupide qui fait des dégâts énormes, surtout lorsqu’il est pratiqué sur les esprits sans défense et malléables des enfants.
Le problème est que l’opinion de Dawkins sur la foi religieuse est en fait une altération de ce qu’est vraiment la foi. Sa description est arrêtée, étroite est dangereuse, et ne correspond pas à la description biblique.
Tandis que Dawkins ne tolère pas la foi en Dieu parce qu’il ne peut accepter un tel concept non scientifique, il encourage la foi insondable dans la recherche scientifique comme la source de tout savoir et la source ultime de toutes les réponses importantes. Il exprime lui-même une foi remarquable dans les idées de Darwin. Pourtant des aspects de la théorie de son héros restent sans preuves. En effet, certains d’entre eux ont été abandonnés et il se peut que d’autres s’avèrent encore erronés.
De toute évidence, Pour en finir avec Dieu donne à réfléchir. Le professeur Dawkins émet des critiques fondées sur certaines croyances religieuses chères qui ne sont pas bibliques, les présentant comme étant insuffisantes et inconsistantes. Il dit par exemple que les enseignements sur la trinité, une Marie déifiée (« une déesse de tout sauf de nom »), et un « panthéon […] gonflé par une armée de saints » poussent « le flirt à répétition [du christianisme orthodoxe] avec le polythéisme vers une inflation galopante ». Les croyants en profiteront peut-être pour apprendre que des aspects importants de la religion relèvent de l’invention humaine, étant dépourvus de tout fondement biblique et par conséquent de crédibilité.
Même le fait de revisiter les paroles bien connues de la chanson de John Lennon, « Imaginez qu’il n’y ait pas de paradis […] aucun enfer sous nos pieds, au-dessus de nous uniquement le ciel », crée des surprises d’un point de vue biblique. Il n’existe aucune preuve biblique soutenant que le paradis est l’endroit où vont les personnes sauvées, et aucune preuve soutenant le feu éternel de l’enfer dans lequel les perdus sont punis à tout jamais. Ce sont là deux exemples d’altérations humaines qui ont entraînés d’énormes problèmes et traumatismes.
Mais la foi athée de Dawkins est tout aussi insuffisante. Dans ce cas, un genre de foi n’est pas supérieur à l’autre. Il y a des problèmes des deux côtés. Mais le point crucial est celui-ci : les défauts de la religion causés par l’homme n’annulent pas Dieu tout comme la mauvaise science n’annule pas la science en général.
Lorsque les conclusions scientifiques sont vraies, il n’y a aucun besoin d’entrer en conflit avec la véritable foi biblique. Malgré les opinions contraires de Dawkins, les religions et idées sur Dieu n’ont pas toutes la même valeur. D’un point de vue biblique, il est important de discerner le bien du mal dans toutes choses afin d’aligner notre façon de penser sur celle de l’Être suprême révélé dans la Bible comme étant un Dieu d’amour infini, et dont le plus grand désir est que l’humanité partage un jour son existence divine. Les déformations de ce que la Bible dit ont poussé certains à rejeter son message. Ce rejet est peu judicieux s’il l’on n’examine pas tout d’abord ses récits prouvant l’existence de Dieu et d’une véritable religion digne d’être adoptée.
Si Dieu existe vraiment et que la Bible est sa parole inspirée, comme elle le dit, alors la foi peut ouvrir une perspective de la vie et de l’avenir radicalement différente : une richesse, une notion de dessein et de destin, la vision d’un monde infiniment meilleur et plus paisible, un avenir illimité et formidable.
Vision se consacre à explorer la signification de la véritable foi telle qu’elle est enseignée dans la Bible, foi dont les vérités sont souvent en contradiction avec les notions religieuses répandues. Nous rejetons l’opposition farouche dont Dawkins fait preuve vis-à-vis de Dieu, même si nous partageons sa consternation face aux problèmes trop évidents de tout ce qui se fait passer pour de la religion. C’est la raison pour laquelle nous continuons d’explorer dans chaque numéro une perspective de la vie réellement biblique.