Décrocher de la technologie
Il est incontestable que, depuis quelque temps, notre rythme de vie s’accélère. Beaucoup pensent que ce changement serait lié à la technologie qui transmet des informations toujours plus facilement accessibles. Ne nous dit-on pas depuis longtemps que nous vivons à l’ère de l’information ?
Il y a environ vingt ans, j’ai interviewé le regretté Neil Postman, théoricien américain des médias à qui l’on doit plusieurs ouvrages dont Se distraire à en mourir, puis Technopoly: The Surrender of Culture to Technology (Technopolie : capitulation de la culture face à la technologie). À l’époque, il alertait déjà sur le fait que nous étions inondés d’informations si nombreuses qu’elles nous submergeaient petit à petit. Selon lui, il fallait qu’elles soient replacées en contexte pour prendre sens. Aujourd’hui, en plus de tout cela, nous avons des messageries électroniques, des smartphones et des sites de réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter. Beaucoup d’entre nous sont connectés en permanence, sur le qui-vive, toujours en train de répondre, jamais au repos.
Mais est-ce toujours utile ou avantageux ? Il y a généralement un prix à payer pour tout. Comme l’indiquaient les rédacteurs du magazine universitaire américain Hedgehog Rewiew (numéro Été 2011), « nous passons de plus en plus de temps devant des écrans, et de moins en moins de temps à communiquer face à face ou bien à rester seul sans moyens de communication électronique pour nous distraire d’un isolement potentiel ».
N. Postman notait également que tous les progrès scientifiques ou technologiques ne sont pas forcément une avancée pour l’humanité. Ce n’est pas parce qu’une technologie est disponible qu’elle profitera aux êtres humains. En tout cas, nous ne devrions pas laisser les machines dicter notre rythme de vie. Nous ne devrions pas devenir les instruments de nos outils. Dieu a prévu que nous opérions dans des limites données. Le monde qu’il a créé fonctionne dans des cadres temporels spécifiques. Les arbres grandissent à une cadence établie. Précipiter les choses ne rapporterait rien. Il faut environ neuf mois à un être humain pour se développer dans l’utérus maternel. Rien ne sert de hâter le terme du processus. Notre esprit et notre corps sont opérationnels à des conditions précises. La plupart des gens ont besoin de sept à huit heures de sommeil par nuit. Nous avons besoin de rêver. Nous sommes incapables de fonctionner très longtemps sans nous reposer. De plus, nous ne sommes pas faits pour être connectés en permanence.
« Nous sommes en train de perdre quelque chose de précieux, une façon de penser et de nous déplacer à travers le temps, que peut résumer le mot “profondeur”. Profondeur de la réflexion et des sentiments, profondeur accordée à nos relations, à notre travail et à tout ce que nous faisons. Comme la profondeur donne à la vie son sens et sa complétude, il est étonnant que nous permettions qu’elle disparaisse. »
Lorsque N. Postman parlait de la nécessité d’une remise en contexte, il se référait à la façon dont nous donnons un cadre à notre vie. Comment les informations et ses flux sont-ils canalisés par ce qui structure notre existence ? Pour ceux qui veulent vivre selon les principes bibliques, le cadre est tout trouvé : c’est la Bible. Que nous dit la Parole de Dieu sur le temps à consacrer à nos responsabilités et à la réflexion ?
On peut penser à Éphésiens 5 : 15‑16 : « Prenez donc garde afin de vous conduire avec circonspection, non comme des insensés, mais comme des sages ; rachetez le temps, car les jours sont mauvais » (Nouvelle Édition de Genève, 1977). Ce passage incite à réparer le temps mal employé, à racheter le temps perdu ou à optimiser le temps afin qu’il soit utilisé efficacement, car nous vivons dans un monde difficile qui ne reflète pas les valeurs de Dieu. C’est pourquoi dans notre gestion du temps, nous devrions fixer correctement nos priorités, sans gaspiller de moments qui pourraient être employés plus judicieusement.
Cependant, lorsqu’on parle du temps à consacrer à la réflexion, il faut y voir davantage. La Bible est pleine d’exhortations à méditer sur la voie de Dieu afin que nous vivions avec sagesse. Or, la médiation prend du temps, un temps qui doit être réservé à cette fin. Elle ne peut donc pas trouver sa place si nos journées sont saturées de distractions.
Peut-être avons-nous tous besoin de regarder si les technologies de communication et notre rythme de vie ne nous ont pas éloignés de la source de notre existence même.