Un espoir retenu captif
La promesse d’une nouvelle Afrique du Sud dynamique est en train de rapidement s’effacer devant une crise de SIDA/VIH grandissante. Robyn Page, collaboratrice à Vision fournit un rapport de première main sur le désastre qui a lieu dans son pays natal.
En octobre 2001, John Meakin, directeur de la rédaction à Vision, et moi-même, avons passé quelque temps à Johannesburg, en Afrique du Sud, et avons recueilli des informations sur la crise du SIDA qui décime le pays. Nous y avons trouvé une des épidémies les plus graves de SIDA dans le monde, des gens dévoués travaillant alors que tout est contre eux, et parfois, une tristesse insupportable. « Notre continent est en train de mourir », se lamentait Gail Johnson, mère adoptive de feu Nkosi Johnson, activiste contre le SIDA. « Les gens parlent de la renaissance africaine. Va-t-il y avoir des survivants avec lesquels il pourra y avoir une renaissance ? »
Au contraire des nations développées où les taux de contamination sont bas et où l’accès aux médicaments antirétroviraux a amélioré la qualité de vies des malades du SIDA, l’Afrique du Sud fait face à un désastre national. Environ 4,7 millions de Sud-africains – un sur neuf – vivent avec le SIDA/VIH, plus que dans tout autre pays. Un rapport publié par le South African Medical Research Council (MRC) pendant notre visite indiquait que le SIDA était devenu la première cause de décès dans le pays, représentant environ un quart des décès en 2000. « Le SIDA est la plus grande catastrophe que rencontre le pays » a déclaré David Harrison, docteur en médecine et directeur général de loveLife, une organisation de prévention contre le VIH. « Dans les dix prochaines années, cela va apparaître de plus en plus. »
Selon le rapport du MRC, jusqu’en 2010, si rien n’est fait pour endiguer la propagation du VIH, le nombre de morts à cause du SIDA en Afrique du Sud va augmenter jusqu’à représenter le double des morts dues aux autres causes, ce qui ferait en tout entre cinq et sept millions de morts du SIDA. Le chiffre minimum représente environ l’équivalent de la population de la métropole de Johannesburg, la zone urbaine la plus vaste d’Afrique du Sud. Le chiffre maximum signifie que l’équivalent des métropoles de Johannesburg et de Durban-Pinetown (dans le KwaZulu Natal) serait rasé.
L’ennemi public numéro un
Jadis le paria du monde pour sa politique d’apartheid, l’Afrique du Sud a calmé les opposants systématiques grâce à une transition pacifique vers une démocratie en 1994. Dans leur livre intitulé AIDS : The Challenge for South Africa (Le SIDA : le défi pour l’Afrique du Sud, 2000), Alan Whiteside et Clem Sunter ont écrit : « ‘Plus jamais’ n’est pas un mauvais message avec lequel on peut commencer à construire une nation. Pourtant le destin a frappé durement l’Afrique du Sud en remplaçant l’apartheid par le SIDA comme ennemi public numéro un. »
Pendant notre visite, l’archevêque Desmond Tutu, un ancien opposant antiraciste, est apparu dans l’émission de télévision Newsmaker (en français, ‘vedette de l’actualité’) de la chaîne SABC et a encouragé la nation à faire quelque chose contre la crise. « Arrêtons de nous amuser et retroussons-nous les manches en invoquant l’esprit qui a combattu l’apartheid », a-t-il dit. « Nous l’avons fait avec l’apartheid, nous pouvons le refaire avec le SIDA. »
Mais il est peut-être plus facile d’obtenir du soutien contre des injustices visibles que contre un virus invisible. Selon M. Harrison, l’accent mis sur la négociation politique et la liberté au début des années 90 a laissé peu d’énergie pour se concentrer sur le SIDA. Les questions étaient compliquées par le fait que le gouvernement changeait de mains, faisant que le ministère de la santé de l’époque était réticent à se lancer dans de nouvelles initiatives. M.Harrison admet que « c’est horrible à dire. » « Nous savions que le SIDA allait se propager, et même à ce stade, les démographes et les épidémiologistes commençaient déjà à tracer la trajectoire que nous avons en fait suivie. »
Occupé par des accusations sur des détournements de fonds et par une controverse sur le Virodene, un solvant industriel censé soi-disant guérir le SIDA, le nouveau gouvernement a peu fait pour ralentir l’avancée de l’épidémie. De plus, le président sud-africain actuel, Thabo Mbeki, a contrarié beaucoup de personnes en remettant en question le lien causal entre le VIH et le SIDA et en refusant d’admettre les bienfaits de la thérapie antirétrovirale, spécialement chez les femmes enceintes.
Le terrain propice pour l’ignorance
Il ne fait aucun doute que les villes à population noire, un des héritages de l’apartheid, sont devenues un terrain propice pour la propagation du SIDA/VIH en Afrique du Sud. Par exemple, en visitant Soweto, ville à population noire bien connue près de Johannesburg, nous avons été informés de la pauvreté, du taux élevé de chômage et de la criminalité violente endémique, y compris les viols et les meurtres. Nous avons vu des bidonvilles construits de façon anarchique, des foyers pour travailleurs immigrés, et visité un bar où, et c’est l’ironie de la chose, des préservatifs gratuits étaient disponibles. Soweto est remplie de grands panneaux indiquant que 24000 personnes étaient mortes du SIDA dans l’hôpital Chris Hani Baragwanath de la ville.
Les autres facteurs qui encouragent l’épidémie en Afrique du Sud sont le niveau élevé de maladies sexuellement transmissibles, qui augmentent le risque d’être infecté par le VIH, le fait que la société accepte et encourage d’avoir plusieurs partenaires sexuels, spécialement en ce qui concerne les hommes, et enfin les relations de concubinage spontanées. Mme Johnson, qui gère un centre de soins spécialisés pour les mères et leurs enfants infectés par le virus du SIDA/VIH qui est connu sous le nom de Nkosi’s Haven (Havre de Nkosi), nous a raconté l’histoire d’un homme qui insistait sur le fait qu’il n’avait jamais été infidèle : « Il a eu environ douze partenaires en six mois, mais à chaque fois qu’il était avec une partenaire, il lui était fidèle. »
Les femmes sont touchées par l’épidémie de manière disproportionnée. Biologiquement, les femmes sont plus vulnérables à l’infection par le VIH que les hommes : le risque de transmission du virus d’un homme vers une femme est six fois plus élevé que dans l’autre sens. De plus, le médiocre statut social des femmes dans la société sud-africaine et leur indépendance vis-à-vis des hommes font qu’il leur est très difficile de se protéger de l’infection. Mme Johnson a raconté l’histoire de deux femmes séropositives qui sont dans son centre. L’une est tombée enceinte de jumeaux après son premier rapport sexuel, l’autre a perdu son bébé, mort du SIDA à l’âge de 10 mois. « Les deux hommes vivent à présent avec d’autres femmes, et chacune de ces femmes est enceinte », dit-elle. « Et le père des jumeaux sait qu’il est séropositif. »
Les mythes au sujet du SIDA/VIH abondent. David Spencer, médecin traitant les malades séropositifs, nous a fait part d’une superstition qui a engendré une augmentation alarmante de viols : « Certains sangomas [guérisseurs traditionnels africains] disent : ‘Si vous avez une relation sexuelle avec une vierge, vous serez guéri du SIDA.’ » De récents rapports horrifiques font état de cas où des fillettes de pas plus de cinq mois ont été violées.
La négation générale des faits persiste toujours. « Nous faisons les autruches, c’est pitoyable. »
La négation générale des faits persiste pourtant toujours. Toutes les personnes à qui nous avons parlé ont exprimé leur frustration à cet égard. Mme Johnson a parlé pour beaucoup lorsqu’elle a dit : « Nous faisons les autruches, c’est pitoyable. » Pourtant, les preuves de l’épidémie sont nombreuses. Par exemple, un nouveau cimetière, construit pour durer huit ans, a été rempli en deux ans et demi à cause des décès liés au SIDA. Selon Mme Johnson, « il peut y avoir trois enterrements en même temps. Vous avez presque besoin d’un organisateur qui doit dire à un groupe de ne pas faire de bruit pendant qu’un deuxième prie et qu’un troisième enterre un cercueil. »
Comme ce fut le cas dans de nombreux pays occidentaux, le SIDA/VIH en Afrique du Sud est apparu premièrement dans la communauté homosexuelle. Depuis, c’est devenu essentiellement une maladie hétérosexuelle qui affecte les hommes et les femmes âgés de 15 à 45 ans. Mais comme nous a dit Clem Sunter, « vous n’attrapez pas le SIDA, vous le contractez. »
Il est particulièrement important de faire passer un message à la jeunesse. M. Sunter affirme : « Je pense que c’est une cause commune parmi tous les experts sur le SIDA dans le pays de devoir éduquer les enfants âgés de 8 à 15 ans pour changer les comportements sexuels, minimiser voire exclure les rapports sexuels non protégés, soit en retardant au plus tard possible les rapports sexuels, soit en utilisant des préservatifs. »
Changer leurs façons de penser
LoveLife est l’un des programmes les plus visibles destiné aux jeunes ; il a débuté en 2000 et il est essentiellement financé par la Henry J. Kaiser Family Foundation et la Bill & Melinda Gates Foundation. Contrairement aux nombreuses autres campagnes de sensibilisation sur le thème de la santé, loveLife a choisi une approche très audacieuse en utilisant des panneaux d’affichages aux couleurs vives, des publicités dans les journaux, des bandes-annonces spectaculaires à la radio et à la télévision, des prospectus ainsi qu’un numéro vert pour une assistance téléphonique. Le directeur général de loveLife, M. Harrison, nous a dit qu’ils ont essayé de baser leur organisation sur une recherche autant nationale qu’internationale.
Une de leurs plus importantes découvertes est la corrélation qui existe entre la notion d’avenir, la notion de confiance et le comportement sexuel. Comme l’explique M. Harrison, « le comportement sexuel chez la plupart des jeunes est en fonction des ‘taux d’escompte’ qu’ils appliquent aux bienfaits futurs. Les jeunes qui ont la notion d’avenir sont ceux qui ont tendance à prendre soin d’eux dans le présent. »
L’approche de loveLife se base sur la logique que la discussion franche et ouverte sur le thème du sexe, de la sexualité et des relations, est fondamentale pour pouvoir changer le cours de l’épidémie. « Nous ne voulons pas faire passer un message en premier lieu. Nous voulons que les gens se mettent à parler de l’épidémie », faisait remarquer M. Harrison. L’étape suivante consiste à motiver les jeunes vers un style de vie positif fondé sur des valeurs universellement acceptées. « Nous n’en arrivons jamais au point où nous disons aux jeunes les choix qu’ils doivent faire. Nous les informons des choix qu’ils ont », dit-il. Ils espèrent ainsi que cette stratégie va entraîner non seulement une baisse de la transmission du VIH mais aussi une baisse des maladies sexuellement transmissibles ainsi que des grossesses d’adolescents.
Prévention et traitement
La deuxième cause commune de contamination du VIH en Afrique du Sud, après la transmission par rapports sexuels, c’est la transmission de la mère à l’enfant. Chaque année, entre 70 000 et 100 000 bébés contractent le VIH parleurs mères séropositives. Le plus connu parmi eux fut Nkosi Johnson (voir « L’héritage laissé par Nkosi »). Généralement, il y a à peu près 30 % de chance qu’une mère séropositive transmette le virus à son enfant. Le risque monte jusqu’au 50 % si le mère allaite parce que le virus peut se répandre par le lait maternel. Selon David Spencer, une dose du médicament appelé Névirapine donnée à la mère au début de l’accouchement, ainsi qu’une dose donnée au bébé dans les six heures qui suivent la naissance, réduisent le taux de contamination de moitié.
Chaque année, entre 70 000 et 100 000 bébés contractent le VIH par leurs mères séropositives.
Le gouvernement sud-africain, se faisant soi-disant des soucis sur le prix et la sécurité, doit toujours mettre en œuvre un programme qui mettrait la Névirapine à disposition des hôpitaux publics et des cliniques. Cela a ainsi suscité de toutes parts de vives critiques à son encontre. La Névirapine a été déclaré bonne à être utilisée pour éviter la transmission de la mère à l’enfant et ce à la fois par la FDA américaine [NdT : un organisme qui a pour mission de tester l’innocuité des médicaments et de délivrer des autorisations de mise en marché] et l’Organisation mondiale de la santé. De surcroît, Boehringer Ingelheim, la compagnie allemande qui fabrique la Névirapine, a offert de fournir gratuitement le médicament au gouvernement sud-africain pendant les cinq prochaines années. Les gouvernements de provinces, voulant à tout prix faire baisser le nombre de bébés séropositifs, font de plus en plus bande à part et promettent de fournir le médicament à leurs hôpitaux.
Selon le livre de Whiteside et Sunter AIDS: The Challenge for South Africa (Le SIDAv : le défi pour l’Afrique du Sud), « alors que les efforts de prévention visent à faire baisser le nombre de nouvelles infections, la réalité est que, sans un traitement bon marché et efficace, le SIDA augmentera bien après que la vague de VIH aura été contrôlée. »
Dans les pays développés, l’arrivée de la thérapie antirétrovirale à haute efficacité (HAART) a réduit le VIH/SIDA, au mieux, à une maladie chronique. Mais parce que c’est une trithérapie, HAART coûte cher, surtout pour les nations en voie de développement qui ont des budgets limités en matière de santé. Cela équivaut à fournir une chimiothérapie aux séropositifs, et ce pendant toute leur vie. Les patients qui suivent la thérapie HAART ont besoin d’un contrôle médical rapproché pour la résistance au médicament, et cela augmente encore le coût de la thérapie.
Nous avons demandé à M. Sunter ce qu’il pensait du fait de fournir cette thérapie HAART aux millions de Sud-africains infectées par le HIV. Il nous a expliqué que même si la thérapie est considérée comme la référence dans le traitement du SIDA, il existe d’autres options plus abordables qui pourraient être mises en œuvre. Par exemple, traiter les infections opportunistes comme la pneumonie ou la tuberculose, infections qui deviennent ordinaires puisque le système immunitaire s’affaiblit. Donc plutôt que de se sentir désarmé parce qu’on ne peut pas se payer HAART, « nous devrions nous demander quel genre de traitement nous pouvons nous payer jusqu’à la trithérapie. »
Nkosi’s Haven [le havre de Nkosi] est, à bien des égards, un modèle de ce qui peut être fait pour s’occuper de ceux qui sont infectés. Les mères séropositives qui y habitent font les travaux ménagers quotidiens et élèvent les orphelins malades du SIDA tant que leur santé le permet. Mme Johnson nous a affirmé que si ces femmes n’habitaient pas au Nkosi’s Haven, elles seraient dans les rues. « Une mère se trouvait sous un pont avec ses deux enfants » a-t-elle dit.
Nous avons rencontré au foyer une malheureuse mère adolescente qui avait une petite fille d’environ trois ans et un nouveau-né. Les deux étaient séropositifs. Lorsque j’ai instinctivement pris dans mes bras le bébé qui dormait, sa petite main s’est agrippée au bord de ma robe et elle ne m’a plus lâchée. Puis l’enfant de trois ans est entré dans la pièce. Ses grands yeux plaintifs ont croisé nos regards et nous avons fondu. Elle a tendu ses bras fluets pour chercher du réconfort et de la sécurité, et elle nous a suivis avec une grande joie pendant le reste de notre visite. C’était à fendre le cœur de la quitter.
Toutes les femmes et tous les enfants que nous avons vus au Nkosi’s Haven mourront probablement de maladies liées au SIDA dans les prochaines années. Entre-temps, le foyer offre de la chaleur et du réconfort, un soutien émotionnel, la possibilité de suivre des études, une meilleure alimentation et un accès limité aux traitements médicaux.
Deux genres de personnes
« Il ne reste plus que deux genres de Sud-africains : ceux qui sont infectés et ceux qui sont affectés » dit M. Sunter. Parce que le VIH/SIDA affecte les personnes dans la force de l’âge et dans leur phase reproductive, l’impact économique de l’épidémie va être ressenti pendant de nombreuses années à venir. Un rapport publié peu avant notre visite par le South African Bureau for Economic Research (BER – bureau sud-africain de recherches économiques) estime que l’effet progressif du VIH/SIDA va faire plonger le produit national brut d’Afrique du Sud de 5,7 % d’ici 2015. L’impact sur la main d’œuvre signifie que, comparé à un scénario sans SIDA, la main d’œuvre totale sud-africaine va baisser de 21 % d’ici 2015.
MM. Whiteside et Sunter notent que l’impact économique de l’épidémie sera peut-être amplifié à cause du très petit réservoir d’employés qualifiés que possède l’Afrique du Sud et à cause d’une plus grande dépendance à l’égard de cette force ouvrière, comparée aux autres pays de la région. Le rapport du BER estime que d’ici 2015, le nombre de travailleurs qualifiés aura diminué de 16,8 %.
L’épidémie du SIDA/VIH en Afrique du Sud est en train de produire une forte augmentation du nombre d’orphelins. En 2010, on estime qu’il y aura 2 millions et demi d’orphelins qui auront moins de 15 ans. À nouveau, selon MM. Whiteside et Sunter, « Environ la moitié des personnes qui contractent le virus VIH sont contaminées avant l’âge de 25 ans et meurent en général avant leurs 35 ans. Ce facteur âge fait que le SIDA menace particulièrement la capacité à élever des enfants. »
« Après que nous ayons perdu une mère, il n’y a pas eu une seule famille – parmi celles que nous avons contactées – qui était prête à prendre les orphelins, pas une. »
Mme Johnson nous a raconté qu’à cause des problèmes d’argent et des stigmates du VIH/SIDA, les familles étendues ne sont souvent pas intéressées par le fait de s’occuper des orphelins. « Après que nous ayons perdu une mère, il n’y a pas eu une seule famille – parmi celles que nous avons contactées – qui était prête à prendre les orphelins, pas une » dit-elle.
Neuf enfants sur les 29 qui vivent au Nkosi’s Haven sont des enfants rendus orphelins par le SIDA.
« L’amour fait changer les choses »
Nous avons été sans cesse impressionnés par le dévouement des gens que nous avons rencontrés en Afrique du Sud. M. Spencer, qui pense que son rôle est de guérir, affirme : « C’est ce que Dieu veut que je fasse, et c’est ce que je fais de mon mieux. » Il nous a parlé du personnel de la Nazareth House, un foyer financé par l’Église catholique, qui reçoit des enfants séropositifs. « C’est incroyable » dit-il. « Sœur Teresa, qui gère ce foyer, me dit : ‘David, vous savez qu’ils n’ont pas l’argent de se payer les antirétroviraux.’ Mais elle dit encore : ‘L’amour fait changer les choses.’ Cela vous fait venir les larmes aux yeux parce que c’est vrai. »
Lorsque nous avons demandé à Mme Johnson ce qui faisait en sorte qu’elle restait motivée, elle a répondu franchement, comme à son habitude : « Les cigarettes et le café. » Puis elle a ajouté : « Je ne sais pas. C’est déprimant et épouvantable mais j’ai le sens de l’humour. »
M. Sunter a affirmé : « Je pense que c’est très important que les gens dans le reste du monde réalisent qu’il existe dans ce pays des organisations non gouvernementales [ONG] d’une qualité exceptionnelle qui mènent leurs tâches de front, maintenant des gens en vie, et les aidant à travers des circonstances des plus difficiles. Mais malheureusement, à cause de la situation économique mondiale qui est à la baisse, la somme d’argent envoyée par les États-Unis ou l’Europe pour financer ces ONG est en train de diminuer. »
Mme Johnson a fait part de ses soucis sur le fait que les attaques terroristes aux États-Unis allaient entraîner une baisse supplémentaire des financements pour le SIDA/VIH. « Tôt ou tard, nous devrons assumer la responsabilité de nos actes, de ce qui se passe dans notre pays. Mais il ne fait pas l’ombre d’un doute que nous avons besoin d’aide » a-t-elle déclaré.
Carpe diem
Il n’est pas impossible de ralentir l’épidémie de VIH/SIDA en Afrique du Sud. D’autres pays africains, notamment l’Ouganda et le Sénégal, ont tiré les sonnettes d’alarme et mis en œuvre des programmes éducatifs qui réduisent le taux de contamination par le VIH.
« Lorsque nous regardons les années 90 en Afrique du Sud, notre réponse au VIH est sans aucun doute le plus grand chef d’accusation » affirme M. Harrison de loveLife. « Nous avons encore l’occasion de changer radicalement le cours de l’épidémie en Afrique du Sud. Cette épidémie s’étend parce que nos enfants, âgés de moins de 15 ans, entament leur vie sexuelle au moment où l’épidémie atteint son niveau maximum. La conséquence, c’est que la moitié de nos enfants âgés de moins de 15 ans risquent d’être contaminés par le VIH et le SIDA. »
Voici ce qu’il a fait remarquer : « Nous devons poursuivre nos efforts à un rythme extrêmement élevé mais aussi avec une extrême intensité en impliquant littéralement tout le pays. Cela demande un effort national sans précédent, un effort de plus grande envergure motivé par l’urgence de vivre dans l’instant et de changer le cours de l’épidémie, et ensuite de maintenir la situation à la baisse pendant une longue période. »
Pendant ce temps, les Sud-Africains vont encore devoir attendre quelque peu leur renaissance.